L’expropriation ne peut avoir lieu avant l’examen de la régularité de la requête par le juge de paix saisi. Cette procédure offre une garantie équivalente à une demande de suspension devant le Conseil d’Etat.
Dans son arrêt du 18 janvier 2010, le Conseil d’Etat rejette une demande  de suspension introduite par un propriétaire qui estimait que seule une  procédure en référé devant le Conseil d’Etat était de nature à empêcher  la perte définitive de sa propriété. Dans ses considérants, la  juridiction administrative rappelle que l’autorité ne peut entrer en  possession des biens visés par l’arrêté d’expropriation qu’après  l’examen du juge de paix de la requête qu’il estimera régulière ou non.  Par ailleurs, conformément à la jurisprudence de la Cour  constitutionnelle, la Conseil d’Etat considère que la procédure prévue  par la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d’extrême urgence  en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique offre à  l’exproprié une garantie équivalente au recours au Conseil d’Etat.
 
 Voici les grandes lignes de la réflexion du juge :
 
 « Considérant que le requérant est en défaut d'établir que  l'absence de suspension de l'arrêté attaqué entraînerait la perte  définitive de la propriété de ses terrains; qu'en effet, selon l'article  8 de la loi du 27 mai 1870 portant simplification des formalités  administratives en matière d'expropriation pour cause d'utilité  publique, celle-ci ne peut s'opérer que «par autorité de justice», soit  en vertu d'un jugement; qu'avant le prononcé de celui-ci, l'arrêté  attaqué reste dépourvu de toute force exécutoire à l'égard du requérant;  que la saisine du juge de paix par l'autorité expropriante, sur la base  de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d'extrême urgence  en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, qui ne peut  avoir lieu qu'à défaut d'accord entre les parties, ne signifie nullement  que cette autorité puisse immédiatement entrer en possession des biens  visés et créer du même coup une situation irréversible; qu'elle ne peut  entrer en possession qu'après que le juge de paix a fait droit à sa  requête en la jugeant régulière; qu'il appartient au juge de paix de  refuser d'y faire droit tant pour des motifs de légalité externe que de  légalité interne et donc, entre autres, pour défaut d'extrême urgence ou  absence d'utilité publique; que, s'il fait droit à la requête de  l'expropriant, il lui incombe de fixer une indemnité provisionnelle et  que l'expropriant ne peut entrer en possession du bien exproprié  qu'après avoir signifié à toutes les parties défenderesses et  intervenantes une copie certifiée conforme du jugement fixant le montant  de l'indemnité provisionnelle, du certificat de dépôt de cette  indemnité à la caisse des dépôts et consignations et de l'état  descriptif des lieux, conditions prévues par les articles 3 à 11 de la  loi du 26 juillet 1962, précitée; que la Cour constitutionnelle, alors  Cour d'arbitrage, a décidé notamment que la possibilité de contester la  légalité même de la décision d'expropriation devant le juge de paix, en  application de l'article 159 de la Constitution, apporte à l'exproprié  une garantie équivalente au recours au Conseil d'État, puisque toutes  les formes d'illégalité peuvent être contrôlées par l'une et l'autre  voie (C.A., 14 juillet 1992, no 57/92, no de rôle 385); que le seul  intentement de la procédure judiciaire ne constitue pas un préjudice  grave difficilement réparable au sens de l'article 17, § 2, des lois  coordonnées sur le Conseil d'État; que le préjudice financier allégué  par le requérant est de ceux qui peuvent être pris en considération par  le juge en vue d'être compensés par une juste indemnité; qu'il en va de  même de l'élément affectif tel qu'il est décrit dans la requête; que le  requérant est en défaut d'établir que ses problèmes de santé  impliqueraient, pour lui, l'impossibilité de déménager; que la requête  ne contient aucun élément concret démontrant la vraisemblance d'un  projet de vente ou de location, lequel serait d'ailleurs de nature à  démentir le lien affectif allégué par le requérant ».
